Le Mammouth est mort ce soir
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Éducation: l’amer de toutes les batailles
Dans la jungle, terrible jungle, le Mammouth est mort ce soir… 161 milliards d’euros annuel, 1.200.000 agents, un cinquième de l’emploi public, l’éducation est unebête de haut parage, marchant à gros équipages. « Sur l’animal à triple étage ; Une Sultane de renom, Son Chien, son Chat et sa Guenon, Son Perroquet, sa vieille, et toute sa maison ; S’en allait en pèlerinage » (La Fontaine). Dans une énième feuille de déroute et l’indifférence générale, Elisabeth Borne a annoncé les grandes orientations de la rentrée 2025. No stress, Allegro ma non troppo : plus besoin de brevet pour passer au lycée, à l’eau les groupes de niveau, le pass Culture au congélo, modules en ligne sur l’IA, bientôt des cours de soutien scolaire pour les enseignants qui décrochent. Le ministère a un cap et des mantras : « L’élévation générale du niveau et la réduction des inégalités sont les deux jambes d’une politique éducative qui réussit… Plus que jamais, nous devons prêter une attention aux plus fragiles et ouvrir à tous le champ des possibles ». En attendant Godot de Mauroy, les cuisseaux de veau, les cuissots de chevreuil et le salut par le haut débile, la garde meurt et Michard l’attend.
Le cimetière de l’éléphant
L’électrocardiogramme du Mammouth est plat. Plus rien ne fait débat. Pas de débat sur la nullité des peintres qui se succèdent tous les trois mois rue de Valois, pas de débat sur la glissade continue depuis trente ans dans les classements Pisa, sur la clochardisation des enseignants et de l’Université, sur l’obscurantisme, l’éthique à Nikoumouc, l’auto-censure, Voltaire et l’affaire Caillasse passés sous le tapis de prière, sur Madame Bovary, Diane, les nymphes dénudées et La Liberté guidant le peuple qui doivent aller se rhabiller pour ne choquer aucune conscience, sur le harcèlement dans les cours de récré – Qu’est-ce qu’elle a ma sœur ? -Elle te plait ma sœur ! -Elle ne te plait pas ma sœur…, sur les rezzous sociaux et l’IA dégénérative qui contaminent le processus de transmission et l’apprentissage ; en un mot, pas de débat sur l’impossibilité de sauver l’Éducation nationale.
Les politiques, le corps enseignant, les médias, se satisfont de l’omerta, du statu quo. Réformer serait confesser le naufrage, risquer une responsabilité, des heures supplémentaires. Au programme, Moonwalk, hologrammes de refondations, sempiternelle querelle des Anciens et des Modernes… À droite, un Grenelle de la dictée, le Yalta de la blouse. À gauche, Mérieuseries, un plan Marshall de l’estime de soi, le latin sans déclinaisons, des châteaux forts en pots de yaourt bio… Un monde de simulations, simulacres, folie. À l’image du colonel McStraggle dans Le 20eme de cavalerie (Lucky Luke), les hiérarques de la rue de Grenelle inspectent des épluchures de pomme de terre dont l’épluchage a été mimé. Et pourtant, elle coule…
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Chez les usagers aussi, la messe est dite. La bourgeoisie a compris l’arnaque, exfiltre ses enfants à l’étranger. Pour les classes populaires, premières victimes du naufrage éducatif, c’est la double peine : diplômes en chocolat et coulis de discours « léninifiants » égalitaro-pourtousistes. Tartufferie au carré, L’École des fans sauce Tonton mayonnaise renforce les déterminismes et la reproduction sociale. La bataille d’Ernaunie, les vaincus de son cœur, concours de honte, duels de transfuges, trempettes de la renommée, légions de Sorbonagres ès péritextes d’emprise scripturale, ne changent rien à l’affaire. Les vestales, choreutes pédagochistes ont mis le feu au temple, liquidé Ganesh. « It was you Charley… You was my brother, Charley, you shoulda looked out for me a little bit. … I coulda had class. I coulda been a contender. I coulda been somebody, instead of a bum, which is what I am, let’s face it ». (Sur les quais, Kazan, Brando, Steiger).
Le déni n’interdit aucun délire. « J’en ai marre – marabout – bout d’ficelle – selle de ch’val – ch’val de course – course à pied – pied d’cochon… ». L’université est au taquet sur la déconstruction, le « 10 améliorable note plancher », le Hamas pour tous. Pour jouir sans entraves, la « Fac Marabout » résout toutes les peines : de cœur, de sexe, de stress, d’argent… « Que cent fleurs s’épanouissent, que cent écoles rivalisent ». Dans la noosphère, à l’avant-garde des médiums, l’université Paul-Valéry Montpellier 3 propose un Master 2du tonnerre : « Parcours Responsable d’évaluation, de formation et d’encadrement ». Le pitch est gouleyant : « Vers une bienvivance qui trans-forme, une approche du care et du leadership capacitant et vibratoire : même à distance, ‘We care, We can’… Pas d’émancipation sans transmission, lectures, pensée, raison. L’écroulement éducatif est une bombe à fragmentation qui crétinise la jeunesse, menace l’économie, le lien social, la démocratie. C’est du pain béni pour les analphabètes fichés S, Alberich trotskistes, Iznogoud de l’insoumission qui carburent à l’insulte, aux slogans et feux de poubelles. Quels enfants allons-nous laisser à notre monde ?
La gauche n’y croit plus
« Le populisme est aussi une crise de l’éducation » (Le Monde, 5 janvier). Dans un papier confus, Philippe Bernard lâche le morceau et le progressisme. La promesse hugolienne de fraternité et d’émancipation par l’école a vécu. Rien ne se passe comme prévu. « Alors que la scolarisation n’a jamais été si massive, les démagogues, de Trump à Le Pen, ont le vent en poupe… La généralisation sans précédent de l’éducation et l’élévation spectaculaire de son niveau théorique (sic), loin d’affermir la démocratie, en accompagnent l’effritement ». En échec, l’école Récré A2–Chouette de classe n’émancipe plus. A Hénin-Beaumont, à Villeneuve-Saint-Georges les prolos, les sans-grades, les petits, trahis, votent à droite. La gauche Viesse de Marmont fédère les premiers de cordée et progrès. Ça interroge …
Appelés à la rescousse par le chroniqueur du Monde, Francois Dubet et Marie Duru-Bellat, cadors de L’Emprise scolaire et des inégalités, noient le poisson dans des bourdieuseries de Prisunic, un argumentaire de chaudron troué (Freud). « La massification de l’éducation et la dictature du diplôme ont ouvert un fossé béant entre vainqueurs et vaincus du tri scolaire (…) Les vainqueurs, convaincus de ne devoir leur réussite qu’à leur mérite, « se sentent légitimes » et défendent « des valeurs universelles de la raison et de l’expertise ». Les vaincus, « humiliés par leur défaite scolaire », se sentent « ignorés et méprisés » et leurs opinions sont plus autoritaires et traditionnelles (…) Le toujours « plus d’école » a atteint ses limites, il a affaibli les démocraties alors que nous pensions que l’école en était le vecteur essentiel ».
Le plus drôle pour la fin, avec les pistes de safari explorées par le « grand journal du soir » pour sortir Elmer de l’ornière. « Les réponses à ces effets pervers de la massification éducative ne sont pas simples. Elles supposent de ne plus tout attendre de l’école, de reconnaitre la multitude des savoirs, académiques ou non, d’inventer de nouvelles formes de coopération avec les familles, de valoriser des compétences comme la confiance en soi, le sens de la coopération et la maitrise des émotions, facteurs de réussite ». N’oublie jamais Babar :la sélection (imaginaire), le niveau (théorique) et les diplômes (qui ne valent plus rien) restent toujours coupables ! Un sociologue qui l’ouvre, c’est une école qui ferme.
« Et le désert reprend son immobilité ; Quand les lourds voyageurs à l’horizon s’effacent » (Leconte de Lisle, Les Eléphants).
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