Au musée de l’Homme, l’exposition Migrations tente de réconcilier l’humain et “l’étranger”

À l’heure où le Premier ministre François Bayrou s’inquiète de la “submersion” migratoire, le musée de l’Homme consacre une exposition aux Migrations avec en introduction cette phrase : “Loin de la submersion souvent évoquée, le nombre de personnes vivant en dehors de leur pays de naissance reste relativement faible : cela ne concerne que 4% […]

Fév 4, 2025 - 10:06
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Au musée de l’Homme, l’exposition Migrations tente de réconcilier l’humain et “l’étranger”

À l’heure où le Premier ministre François Bayrou s’inquiète de la “submersion” migratoire, le musée de l’Homme consacre une exposition aux Migrations avec en introduction cette phrase : “Loin de la submersion souvent évoquée, le nombre de personnes vivant en dehors de leur pays de naissance reste relativement faible : cela ne concerne que 4% de la population mondiale”. Un chiffre qui rappelle les faits et souligne les psychoses du monde contemporain, responsables de préjugés tenaces sur une figure problématique : le migrant. Jusqu’au 8 juin 2025, le parcours explore les représentations, discours et créations liés à ces déplacements humains depuis leurs origines.

Étrangers partout ou nulle part

Dans le monde, 4% de personnes vivent en dehors de leur pays de naissance. C’est le chiffre à retenir de cette exposition, qui tente de rétablir la vérité en rappelant les bases : les différences entre un immigré, un expatrié ou un réfugié, ou encore les statuts qui encadrent ces personnes ou ne les encadrent pas (à ce titre, le statut de réfugié climatique n’existe pas malgré la réalité des faits).

Documents d’archives de l’Ofprah - © Archive Ofpra – MNHN – J.-C.Domenech
Documents d’archives de l’Ofprah – © Archive Ofpra – MNHN – J.-C.Domenech

L’introduction tente aussi d’humaniser la figure de l’étranger, qui effraie de tout temps. On peut découvrir plusieurs textes à ce sujet, à l’instar d’Étranges Étrangers de Jacques Prévert, ou encore Choses vues de Victor Hugo : “Étranger ! Que signifie ce mot ? […] Quelle ineptie de prétendre que je suis moins homme sur un point de la terre que sur l’autre !”. Une carte rassemble aussi différents passeports et titres de séjour ayant appartenu à des personnalités aujourd’hui adulées, telles que Maria Casarès, Paco Rabanne, ou Mélinée Manouchian, rappelant aussi la richesse culturelle apportée par les populations qui s’entrecroisent.

Préjugés et réalités

Loin de l’archétype du migrant (homme jeune, pauvre et non diplômé), le parcours brosse différents portraits et rappelle que 48% d’entre eux sont des femmes. Les causes peuvent être économiques, politiques, climatiques, familiales, éducatives, ou récréatives : contrairement à ce que l’on croit, la majorité des déplacements ne se font pas des pays du Sud vers le Nord (habituellement pensés comme du pauvre au riche), mais d’un pays du Sud vers un autre. Pour remettre en cause ce préjugé hérité du colonialisme, Joaquin Torres Garcia a décidé de représenter l’Amérique du Sud inversée sur une carte, en indiquant “Nous savons maintenant où nous sommes”.

Joaquín Torres-García, América Invertida (Amérique inversée) , 1943, encre sur papier, 22 x 16 cm (Fundación Torres García, Montevideo)
Joaquín Torres-García, América Invertida (Amérique inversée) , 1943, encre sur papier, 22 x 16 cm (Fundación Torres García, Montevideo)

À côté de cela, quelques mots étrangers sont présentés pour nous rappeler que le migrant a aussi son langage et ses perceptions. Parmi eux, le mot arabe soudanais “Sarokh” signifie “la fusée” et exprime le nouvel arrivant débarquant dans un univers dont il n’a pas encore l’expérience. En face de ces quelques mots, une série de témoignages permettent de prendre conscience de propos racistes et violents émis à l’égard de certaines populations. Les mots sont incisifs, choquants, et parfois si extrême qu’on peut reprocher à l’exposition d’adopter une vision trop manichéenne.

Quand il y en a un, ça va..., 2022Néon rouge, structure en acier noir © E. Ogboh - Imane Fares, Paris - Tadzio
Quand il y en a un, ça va…, 2022. Néon rouge, structure en acier noir – © E. Ogboh – Imane Fares, Paris – Tadzio

L’humain, migrant depuis l’origine

De manière peut-être un peu abrupte, on est soudainement propulsé 300 000 ans auparavant, lorsqu’Homo sapiens a commencé à se déplacer sur l’ensemble du globe terrestre, depuis les régions africaines. À travers plusieurs vestiges archéologiques et objets quotidiens, le parcours nous rappelle que l’espèce humaine n’a jamais cessé d’évoluer à travers ses rencontres et ses métissages. Un mouvement continue et une curiosité insatiable qui rappelle L’Étranger de Charles Baudelaire : “J’aime les nuages… les nuages qui passent… là-bas… là-bas… les merveilleux nuages !”.

Reena Saini Kallat (vit et travaille en Inde)Woven Chronicle, 2018 Fils électriques, circuits imprimés, haut-parleurs © Reena Kallat Studio - Jamie Woodley
Reena Saini Kallat (vit et travaille en Inde), Woven Chronicle, 2018. Fils électriques, circuits imprimés, haut-parleurs – © Reena Kallat Studio – Jamie Woodley

Romane Fraysse

Migrations, une odyssée humaine
Musée de l’Homme
17 place du Trocadéro et du 11 Novembre, 75116 Paris
Jusqu’au 8 juin 2025

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Image à la une : Une forêt de mots – © MNHN – J-C. Domenech