Merwane Benlazar: l’habit fait Anne-Élisabeth Lemoine

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Fév 6, 2025 - 06:54
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Merwane Benlazar: l’habit fait Anne-Élisabeth Lemoine

Concernant le nouveau comique de France 5, certains ont du mal à séparer l’homme de l’artiste, note notre contributrice.


Dernière minute ! La ministre de la Culture Rachida Dati a annoncé mercredi au Sénat que l’humoriste Merwane Benlazar ne reviendra pas sur France 5, qualifiant ses propos passés sur les réseaux sociaux de « scandaleux ». Elle a indiqué que France Télévisions avait « tiré les conséquences » des déclarations de l’humoriste, et qu’il « ne sera plus à l’antenne ».

Vous n’avez pas pu y échapper. Il est l’une des stars des réseaux sociaux depuis son passage à la très convenue émission de France 5 : C à vous (alors oui, vu que c’est sur le service public, on vous le confirme, c’est bien à nous), il vous a frappé (non pas d’un coup de couteau, ça suffit les fachos, on vous voit venir !) avec son look de salafiste décontracté : il s’agit de Merwane Benlazar qui fait couler bien des tweets au moment précis où lui-même (hasard, coïncidence ? Je ne crois pas, comme disent les complotistes) a restreint son compte. La peur du succès sans doute…

Capture France 5.

On avait dit : pas le physique…

Depuis quand évoquer, sur X, la charia pour diriger sa vie, enjoindre ses « sœurs »à rester auprès de leur père ou leur mari, prôner une foi ostentatoire en fustigeant sa limitation à la sphère privée et accompagner ses tweets de citations empruntées au site salafislam.fr, auraient un quelconque rapport avec l’islamisme ? Il faut séparer l’homme de l’artiste. Du reste, notons que les propos de Merwane Benlazar n’enfreignent, semble-t-il, aucune règle et qu’il est en droit de penser ce qu’il veut quant à sa façon de pratiquer la religion. Alors pourquoi désormais les dissimuler ?

Las, il ne nous reste que ses chroniques sur France Inter pour goûter sa prose issue de l’humour communautariste façon Jamel Comedy club. Les policiers y sont naturellement tueurs et racistes, la France farouchement anti-islam, les Français des « porcs » qui se rincent l’œil auprès de décadentes prétendantes miss France en maillots de bain.

Il n’en suffisait pas plus pour que le pauvre Merwane se voit jeté en pâture à des beaufs mateurs de bikinis, le jugeant hâtivement au vue de son accoutrement alors que, comme on l’a vu plus haut : au-cun rap-port. On peut plaisanter avec tout, mais attention : pas le physique et pas les fringues, on a dit.

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On critique son look ? C’est parce qu’il est arabe. Le problème est qu’il est présent sur les émissions du service public pour les mêmes raisons et cela relève de la discrimination. Positive diront certains, mais discrimination tout de même.

En effet, il y avait un relent de post colonialisme sur le plateau de C à vous qui mettait mal à l’aise : il semblait qu’Anne-Elisabeth Lemoine et ses comparses exhibaient Merwane Benlazar comme un indigène lors de l’exposition coloniale de 1931, le flattant, riant exagérément à des saillies qui n’avaient rien de drôle, l’encourageant comme on le fait quand le petit dernier tente péniblement de souffler trois notes sur son pipeau devant la famille, contrainte d’applaudir alors même qu’elle n’a jamais eu autant besoin de boules Quies de toute son existence.

On a frôlé la standing ovation à la fin de la chronique au moment où, dans un grand « bravoooo » puéril lancé par une Anne-Elisabeth survoltée, l’objet du spectacle remerciait son auditoire, visiblement satisfait du devoir accompli.

Extase woke

Madame Lemoine n’en pouvait plus de s’extasier devant ce souffle d’exotisme venu d’outre-Périph, aux douces fragrances de sable chaud séquano-dionysiennes. Ce réflexe de petite bourgeoise pensant transgresser les règles d’une société qui la dépasse lui donne des frissons à peu de frais, les mêmes, sans doute, que la très bien-pensante Pascale Clark eut quand elle promut jadis Yassine Belattar dans une émission quotidienne, lui offrant l’occasion de cracher copieusement sur la France.

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C’est évidemment très humiliant d’être ainsi essentialisé et témoigne du racisme des auto-proclamés anti-racistes mais Merwane n’en a cure : il a très bien réussi son petit coup. Il a joué sur les codes vestimentaires et ceux de l’humour, une ambiguïté qui permet à l’entrisme de se faufiler en douceur dans le quotidien.

Ils sont là, autour de lui, conquis, dégoulinants de bienveillance et de culpabilité occidentales. Le soir même, il le sait, les réseaux sociaux parleront de lui, de sa « foi » ostentatoire qu’il pourra dissimuler derrière un autre habit : celui du regard d’une société supposée raciste qui le jugerait à l’adéquation entre son apparence et son origine. Exit son talent, la question ne sera pas de savoir s’il en a ou pas, il sera une victime et il faudra renouveler l’expérience pour forcer la norme.

Bref, jouant les faux jeunes premiers, implorant l’indulgence devant « sa première chronique télé », Merwane Benlazar a brossé le service public dans le sens du voile.

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