La force musculaire dans l'enfance et l'adolescence est un indicateur de la santé tout au long de la vie

La force musculaire dans l’enfance et l’adolescence est un indicateur de la santé tout en long de la vie. Des chercheurs ont mesuré celle des jeunes Français et s’inquiètent des inégalités relevées.

Fév 5, 2025 - 23:02
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La force musculaire dans l'enfance et l'adolescence est un indicateur de la santé tout au long de la vie

La force musculaire dans l’enfance et l’adolescence est un bon indicateur de la santé tout en long de la vie. Quand elle est trop faible, elle augmente le risque de maladies cardiovasculaires, de cancers et de décès prématurés à l’âge adulte. Des chercheurs ont mesuré la force musculaire des jeunes Français. Ils s’inquiètent des inégalités relevées et avancent des solutions pour inverser cette tendance.


Nous avions précédemment évoqué l’importance de l’endurance cardiorespiratoire pour la santé de l’enfant, son impact sur sa santé future, ainsi que son évolution au cours des 20 dernières années. La force musculaire, une autre composante essentielle de la condition physique, est également un marqueur de la santé, dès le plus jeune âge.

Alors que nous avons démontré une baisse des capacités cardiorespiratoires de l’enfant (-18,4 %) sur les 20 dernières années, l’évolution de la force musculaire chez les jeunes en France reste peu étudiée, malgré son rôle déterminant pour la santé. Une récente étude tente de combler cette lacune en réalisant une analyse des tendances nationales de la force musculaire entre 1999 et 2023. Qu’en est-il exactement ?

La forme musculaire, un excellent marqueur pour la santé

La forme musculaire peut se définir selon trois composantes : la force maximale, l’endurance musculaire et la puissance. Par ailleurs, on dissocie la force musculaire des membres inférieurs et supérieurs. La force musculaire est fortement associée à la santé (les maladies cardiométaboliques comme les pathologies cardiovasculaires et le diabète de type 2, la santé osseuse, ou encore la santé mentale) tout au long de la vie, chez le jeune, l’adulte et le sujet âgé.

De grandes études de cohorte ont montré qu’une faible force musculaire durant l’adolescence est associée à un risque accru de décès prématuré toutes causes confondues ainsi qu’à une mortalité liée aux maladies cardiovasculaires et aux cancers à l’âge adulte. Il a également été démontré qu’une faible force musculaire était fortement associée à la présence d’une incapacité physique à l’âge adulte et à l’obtention d’une pension d’invalidité.

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À travers ces preuves scientifiques solides, les experts internationaux de la condition physique et de la santé chez l’enfant soulignent l’importance de mesurer et surveiller la force musculaire des jeunes. C’est l’objet de notre étude chez les jeunes Français.

Deux tests simples pour l’évaluer chez les jeunes

Évaluer la force musculaire chez les jeunes peut se faire facilement grâce à des tests simples, accessibles, reproductibles et validés scientifiquement. Les deux tests les plus couramment utilisés sont : (i) le test du « saut en longueur sans élan » permettant d’évaluer la force musculaire des membres inférieurs et (ii) le test de la force de préhension manuelle, couramment dénommé en anglais le test du « Handgrip » qui permet d’évaluer la force musculaire des membres supérieurs.

  • Le test du « saut en longueur sans élan » : Ce premier test consiste à positionner l’enfant derrière une ligne marquée sur le sol avec les pieds écartés (largeur des épaules), le bout des pieds juste derrière la ligne de départ, et de lui demander de sauter le plus loin possible en décollant et en atterrissant les pieds joints. L’enfant a le droit de s’aider des bras lors du saut en réalisant un mouvement de balancier. On relève la distance réalisée en cm. Ce test est rapide, ne nécessite aucun équipement coûteux, et fournit des résultats fiables.

  • La force de préhension manuelle : elle se mesure, quant à elle, à l’aide d’un dynamomètre manuel, un appareil simple à utiliser. Il est demandé à l’enfant de serrer le dynamomètre aussi fort que possible pendant 2-3 secondes en étant debout, pieds écartés largeur du bassin et le bras le long du corps. Le résultat affiché est exprimé en kilogrammes de pression. Contrairement au précédent test, ce dernier demande l’achat d’un appareil dont le prix va de 50 à 300 euros.

Ces deux tests sont peu onéreux en termes de réalisation, sans risque et adaptés à une utilisation de terrain par exemple dans les écoles. Leur simplicité et leur efficacité en font des outils clés pour surveiller et promouvoir la forme physique des jeunes et leur utilisation a été recommandée par les conclusions d’un groupe de 169 experts internationaux.

En France, des inégalités croissantes entre élèves

Une récente étude s’appuyant sur des données de plus de 53 000 enfants et adolescents français âgés de 6 à 16 ans a évalué l’évolution de la force musculaire entre 1999 et 2023 grâce aux deux tests précédemment décrits.

Les résultats montrent une légère baisse des performances au saut (environ – 2 cm par décennie), mais une amélioration de la force de préhension (+0,6 kg par décennie). Ces tendances sont similaires à celles observées dans d’autres pays.

Cependant, cette étude a également constaté une augmentation des écarts de performances entre les meilleurs et les moins bons élèves, reflétant des inégalités croissantes. Ces disparités pourraient potentiellement être liées à l’accès aux associations sportives et aux infrastructures différents en fonction du niveau socio-économique des enfants et de leur famille, traduisant ainsi une inéquité d’accès.

La force musculaire constituant un indicateur essentiel en matière de surveillance de l’état de santé de la population, les tendances observées dans cette récente étude fournissent des données très importantes sur l’état général de santé de nos jeunes Français.

Elles permettent également de juger indirectement l’effet des recommandations de santé publique ainsi que des programmes et initiatives en matière de promotion de l’activité physique. La baisse de l’activité physique, l’augmentation du temps passé devant les écrans, et la diminution des inscriptions aux clubs sportifs peuvent très certainement contribuer aux résultats trouvés dans cette étude.

Quelles solutions pour inverser ces tendances ?

Pour améliorer et inverser ces tendances, il nous paraît essentiel d’agir sur plusieurs axes :

  • Renforcer les programmes scolaires : La mise en place du programme des 30 minutes d’activité physique quotidienne (APQ) dans les écoles primaires, en lien avec l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, est une première initiative pouvant impacter sur la force musculaire. Il reste toutefois à définir comment et quand généraliser un tel programme de prévention et envisager son évaluation.

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  • Augmenter l’offre sportive au sein des collectivités locales : les études antérieures montrent que l’inscription d’un enfant dans un club sportif peut avoir un effet bénéfique sur l’amélioration de la force musculaire.

  • Réduire les inégalités d’accès : les municipalités pourraient développer des infrastructures sportives accessibles à tous et encourager des politiques favorisant la participation des enfants issus de milieux socio-économiques plus faibles.

  • Encourager l’activité physique et réduire la sédentarité : Ces deux comportements de vie auront un impact direct sur la force musculaire des enfants en France.

  • Promouvoir des environnements favorables : Des aménagements urbains sécurisés (pistes cyclables, parcs et espaces verts, gymnases accessibles) ainsi que le développement des transports publics ont un effet démontré pour augmenter l’activité physique habituelle et impacteront la condition physique générale de l’enfant.

Mobiliser éducateurs, enseignants, parents, décideurs politiques et professionnels de santé

La promotion de la condition physique nécessite une mobilisation générale de la part des éducateurs, des enseignants, autant que des parents et des familles, mais aussi des décideurs politiques et des professionnels de la santé.

Même si les tendances actuelles ne démontrent pas d’évolution négative majeure en termes de changement avec le temps de la force musculaire de nos jeunes, ces données françaises récentes soulignent l’importance de mettre en place des stratégies de prévention centrées sur la promotion de l’activité physique et la réduction de la sédentarité afin de préserver la santé des futures générations.The Conversation

Les recherches en cours menées par JM Oppert sont soutenues en partie par des financements publics de l’ANR dans le cadre des programmes européens Joint Programming Initiative Healthy Diet Healthy Life (JPI HDHL) et ERA4Health Equity.

Vanhelst Jérémy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.