Qonto, Monabanq, HelloBank… l’ascension des « néobanques » ira-t-elle trop loin ?

Depuis quelques années apparaissent de nouveaux acteurs financiers. Profitant de la libéralisation, ils créent de nouveaux risques et pourraient déstabiliser le système bancaire classique.

Jan 29, 2025 - 00:13
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Qonto, Monabanq, HelloBank… l’ascension des « néobanques » ira-t-elle trop loin ?

Depuis quelques années apparaissent de nouveaux acteurs financiers. Profitant de la libéralisation, ces nouveaux acteurs, improprement appelés « néobanques », peuvent créer de nouveaux risques. À terme, ils pourraient déstabiliser le système bancaire classique, qui, pour le moment, conserve de vrais atouts.


Le 19 juillet 2024, 140 personnes protestaient contre la fermeture d’une agence bancaire dans le Lot. Pourtant, ce mouvement de fermeture est régulier et touche tous les réseaux bancaires. Simultanément, les « néobanques » séduisent de plus en plus de Français, comme en témoigne l’augmentation annuelle des transactions financières de plus de 40 % en 2023.

À la fin de cette même année, elles comptaient environ 6 millions de clients appartenant plutôt à une clientèle jeune, urbaine et CSP+. La part de la clientèle des entreprises est moins facile à obtenir : 400 000 clients en Europe pour Qonto, pas de chiffre publié pour Monabanq ou HelloBank ! Le mouvement prend de l’essor du fait de la cherté des prestations proposées par les banques dites classiques. Dans le même temps, les banques traditionnelles font face à une sérieuse crise des vocations. Le métier de conseiller clientèle étant perçu comme de plus en plus difficile et en perte de sens.

N’est pas une banque qui veut

Le terme « néobanque » est utilisé pour qualifier les nouveaux acteurs du secteur financier, mais le qualificatif est impropre, car ce ne sont pas toutes des banques au sens du Code monétaire et financier. Seuls les établissements de crédit, ayant une licence bancaire, peuvent utiliser le terme de banque. L’utilisation abusive du terme de banque est même passible d’amende. Pour connaître le statut d’un établissement, il est possible de consulter le registre des agents financiers REGAFI.

Ces nouveaux établissements sont apparus à la suite de la mise en œuvre de deux directives européennes qui ont libéralisé les services de paiement et de la monnaie électronique. Ces directives permettent à des opérateurs, qui ne sont pas des banques, de fournir des moyens de paiement (cartes, prélèvements, portemonnaies électroniques, paiements par téléphone ou par Internet). Les transactions sont liées à un compte de paiement et non à un compte de dépôt (le fameux « compte-chèque »). Les agences bancaires ne sont plus nécessaires à la mise en œuvre des opérations, la relation client se fait à distance. Les établissements utilisent des robots conversationnels assurant un service continu. Elles ont développé des applications de gestion personnalisée des comptes, qui facilitent l’expérience client.


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Dans une analyse publiée en 2018, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) revient sur les modèles d’affaires des néobanques et des banques en ligne, soulignant qu’elles sont toujours en recherche de rentabilité dans un contexte de très forte concurrence. La fourniture de services gratuits oblige les établissements à améliorer constamment leurs performances, ce qui les pousse à cibler leur clientèle pour accroître leur rentabilité.

Une plus grande vélocité des entrants

Leurs atouts résident dans leur capacité à intégrer les derniers développements technologiques (par exemple des opérations sur les smartphones) et la rapidité des opérations (une ouverture de compte est immédiate). Pourtant, la palette des services proposés est d’autant plus large que l’établissement est adossé à une banque traditionnelle. Les établissements purement digitaux (non affiliés à un réseau bancaire) ne proposent qu’une gamme limitée de services : comptes courants, cartes bancaires, retraits et dépôts d’espèces, virements et prélèvements.

Les attentes des clients restent paradoxales quant à leur rapport à la technologie. D’un côté, il y a un besoin de sécurité, une recherche de conseils personnalisés et humains. Les clients rejettent les conseils de robots. De l’autre, il existe une réelle attirance pour des solutions technologiques qui facilitent la vie quotidienne : des solutions de paiement sans contact ou de paiement mobile.

Malgré l’engouement de la clientèle pour ces nouveaux applicatifs, la France est le pays européen où le nombre d’agences bancaires reste encore très important comparativement aux autres pays.

À quoi servent encore les banques traditionnelles ?

Les banques collectent des dépôts, accordent des crédits et gèrent des moyens de paiement. Dans le modèle de la banque dite universelle, la banque va aussi proposer des produits d’assurance. Cette banque s’adresse aux particuliers, aux artisans et commerçants ainsi qu’aux petites et moyennes entreprises. Elle se distingue de la banque d’affaires qui ne traite que de très grosses opérations financières (rachat d’entreprises, fusions, comme dans le film Wall Street). Donc si on compare ces établissements à leurs concurrents non banques, elles offrent une plus large palette de produits et services.

Banque de France.

Pour conserver leur agrément, les banques doivent respecter une réglementation très lourde et très contraignante, dont l’objectif est de sécuriser l’épargne des ménages. Ainsi, en cas de faillite bancaire, les clients bénéficient de garanties des fonds à hauteur de 100 000 euros.

Quel que soit le réseau bancaire concerné, l’organisation d’une banque traditionnelle suit toujours les mêmes axes : un développement territorial représenté par un réseau d’agences bancaires déployées sur un ou plusieurs espaces nationaux ; un chef de réseau qui coordonne ce maillage territorial ; une caisse centrale (ou un organe central de financement) qui permet à l’établissement d’ajuster son bilan et ses flux de trésorerie en intervenant sur les marchés financiers. Les réseaux bancaires se redéploient continuellement pour maintenir un maillage du territoire pertinent, pour tenter de gagner de nouveaux clients, pour combiner efficacement les réseaux physiques et virtuels.

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En complément de ce maillage physique, les banques ont toutes adopté le modèle stratégique qui mêle étroitement les agences physiques et les agences virtuelles en élargissant la panoplie de produits et services accessibles par Internet. Elles recherchent en outre une nouvelle esthétique d’agence et cherchent à se différencier de leurs concurrents digitaux par leur image, leur histoire.

De nouveaux risques

La multiplication des opérateurs dans le domaine de la finance ne permet pas toujours aux clients de s’y retrouver. L’exemple de Swoon est à cet égard instructif. Initialement société d’édition de logiciel, l’entreprise a collecté de l’épargne sans avoir le droit de le faire. Sa faillite entraîne des pertes pour ses clients. Dans cette affaire, le partenaire financier de Swoon, opérant dans le domaine des paiements électroniques s’est vu infliger une amende de 100 000 euros pour négligence dans le contrôle des transactions.

Dans le cas de Swoon, une consultation des organismes agréés aurait pu dissuader les clients de souscrire le livret d’épargne d’un établissement non habilité. En cas de doute, il est toujours possible de consulter la liste noire des sites ou entités proposant des produits d’épargne ou d’assurance sans agrément ABEIS.The Conversation

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