Pourquoi les Français recyclent-ils ?
Une recherche menée auprès de 1 408 individus explique comment conscience environnementale et confiance envers les institutions influencent le comportement de recyclage des Français.
Une recherche menée auprès de 1 408 individus explique comment conscience environnementale et confiance envers les institutions influencent le comportement de recyclage des Français.
Depuis le 1er janvier 2025, aucun textile ne doit plus être jeté dans les poubelles des ménages français et européens. Une nouvelle donne dans la course au tri des déchets qui incite à privilégier le recyclage. Cette exigence va dans le sens des préconisations de l’Agence de la transition écologique. Elle a organisé récemment la semaine européenne de la réduction des déchets (du 16 au 24 novembre 2024), sur le thème « Manger mieux, gaspiller moins ».
Désormais, le recyclage des ménages est devenu une nécessité, notamment en France en raison de :
la part élevée des déchets ménagers. En effet, chaque Français produit en moyenne 568 kg de déchets/habitant et par an ;
la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, avec l’objectif de diminution de 10 % de la production de déchets ménagers et assimilés (DMA) en 2020 par rapport à 2010.
Grâce à cette recherche, nous savons que la confiance, notamment envers les institutions, est une variable clé pour accroître l’action collective et les comportements coopératifs tels que le recyclage. Percevoir la qualité des institutions comme étant efficace encourage les individus à recycler. Elle renforce la relation entre la conscience environnementale et le comportement de recyclage des ménages.
L’État étant responsable de la gestion des déchets, la confiance dans la qualité de son intervention est fondamentale pour encourager les ménages à recycler. Les résultats révèlent que la méfiance à l’égard des politiques publiques et le déficit de confiance à l’égard des décideurs politiques incitent les individus à ne pas recycler.
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Pour mesurer le comportement de recyclage des ménages français, nous avons mené une recherche auprès de 1 408 employés et étudiants d’une école de commerce ayant des campus à Nancy et Paris. Elle s’appuie sur quatre items qui évaluent le degré d’accord des répondants avec les affirmations suivantes :
« Je recycle les matières en verre »,
« Je recycle les matières en papier »,
« Je recycle les emballages »,
« Je recycle les déchets organiques ».
Les résultats de l’enquête démontrent que 53,8 % des répondants déclarent être totalement d’accord avec le recyclage des emballages ménagers et que 40,8 % sont totalement d’accord avec le recyclage des déchets organiques.
Le tri des déchets : levier efficace du recyclage
La France est classée parmi les trois principaux pays européens producteurs de déchets en 2020 avec une production totale de 309 439 milliers de tonnes dont 11 241 sont à caractère dangereux. Ces déchets proviennent essentiellement du secteur de la construction – 212 733 milliers de tonnes –, des ménages – 33 544 milliers de tonnes – et du secteur industriel – 18 636 milliers de tonnes.
Encadrée par la loi de transition écologique pour une économie circulaire et la loi anti-gaspillage, les Français agissent un peu plus en faveur de l’environnement que la moyenne des Européens. Parmi les actions les plus efficaces, les plus fréquentes mais aussi les plus difficiles, entreprises par les ménages français figurent le tri des déchets pour le recyclage.
Le recyclage des ménages, un devoir civique ?
Avec 525 kg de déchets domestiques par habitant en 2023, l’impératif du recyclage s’impose aussi bien pour les ménages que pour les instances étatiques. Le comportement de recyclage des ménages désigne les actions entreprises par les individus ou les familles au sein d’un foyer pour trier, séparer et éliminer correctement les matériaux recyclables tels que le papier, les plastiques, le verre et les métaux.
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Au-delà d’un simple phénomène social, le recyclage est un devoir civique et une activité altruiste qui émane de la volonté des individus de traduire leurs valeurs en actions. Cette décision est influencée essentiellement par des attributs sociodémographiques – l’âge, le genre, le revenu, le type de logement, la taille du ménage – et des attributs techniques et logistiques – la question de la commodité, la disponibilité de l’information sur les modalités de recyclage et la facilité de le faire.
Quand est-ce qu’on peut se considérer comme étant consciencieux sur le plan environnemental ?
La conscience environnementale fait référence au degré de prise en compte des problèmes environnementaux par les individus ainsi qu’à leur volonté de faire des efforts pour les résoudre, notamment en recyclant leurs déchets. Elle est une variable multidimensionnelle renfermant :
une dimension cognitive : elle a trait aux connaissances acquises par les ménages en relation avec les problèmes environnementaux. Nous avons retenu une échelle composée de 11 problématiques environnementales comme les pluies acides, le réchauffement climatique ou l’appauvrissement de la couche d’ozone. Les réponses allant de « Ne sait rien à ce sujet » à « Connais très bien ce sujet » ;
une dimension attitudinale : elle se réfère au niveau d’intérêt porté par les ménages envers les défis environnementaux. Nous avons évalué le degré d’accord des répondants avec 19 réponses dont : « Nous devrions payer une somme considérable pour préserver notre environnement » ou « Si chacun de nous ne reconnaît pas la nécessité de protéger l’environnement, les générations futures souffriront de cette conséquence » ;
une dimension comportementale : elle se réfère aux actions pro-environnementales concrètement entreprises par les individus. L’échelle des actions politiques comporte quatre activités à motivation politique. Par boycotter des entreprises non respectueuses de l’environnement ou soutenir des groupes de pression écologiques.
Les individus consciencieux de point de vue environnemental sont ceux qui sont impliqués dans le recyclage de leurs déchets.
Ils comprennent les problèmes environnementaux, comme le réchauffement climatique, la dégradation de la couche d’ozone, la gestion des déchets ou l’économie circulaire.
Ils ont des valeurs personnelles orientées vers la préservation de l’environnement. Par exemple, un souci marqué pour la qualité de l’environnement ou une volonté de prendre des mesures pour le protéger.
Ils mettent en œuvre des actions concrètes pour le faire, comme le tri des déchets, le recyclage ou la participation à des initiatives environnementales.
La confiance institutionnelle : Faire confiance à qui et à quoi ?
Plus abstraite que la confiance interpersonnelle, la confiance institutionnelle repose sur les attentes inconscientes, accumulées à travers le temps, qui reflètent la perception que les individus ont de la manière dont les institutions fonctionnent en général.
Dans cette recherche, elle est mesurée à l’aide de deux items :
« La plupart des politiciens font de la politique pour servir leurs propres intérêts » ;
« Je fais confiance aux membres du gouvernement ».
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Sans profonde conviction dans l’efficacité de la politique publique sur les déchets et sans une prise de conscience de logique de valorisation des déchets ménagers, les Français ne seront pas incités à recycler. La solution pourrait résider dans l’outil de l’intelligence artificielle (IA) qui a montré son efficacité en matière de recyclage – tri automatisé des déchets, optimisation de la collecte de déchets, sensibilisation et éducation des citoyens. Peut-être qu’un jour la confiance dans l’outil de l’IA se substituera à la confiance dans les institutions, en matière de recyclage ?
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.