Je veux être Château Briand, ou rien!

L'Éducation nationale prétend lutter contre les inégalités, mais c'est le plus souvent en nivelant par le bas, malheureusement. Grâce au pédagogisme, dans nos écoles, l'égalité arrive, mais pas comme on l'attendait... L’article Je veux être Château Briand, ou rien! est apparu en premier sur Causeur.

Fév 2, 2025 - 09:35
 0
Je veux être Château Briand, ou rien!

L’Éducation nationale prétend lutter contre les inégalités, mais c’est le plus souvent en nivelant par le bas, malheureusement. Grâce au pédagogisme, dans nos écoles, l’égalité arrive, mais pas comme on l’attendait…


Château Briand : millésime 2025, grand cru de l’Éducation nationale. J’avais fini 2024 avec un paquet de copies sur Rimbaud, au programme de français de première. « Un homme pas très sein, mort du cancer des eaux, il nous laisse sur notre fin, après avoir vécu sous le règne d’un tirant… ». Le crépuscule, la phase terminale.
C’est en compagnie de Victor Hugo et de quelques morceaux choisis que j’attaquai avec optimisme 2025: « Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne », « Tout homme coupable est une éducation manquée qu’il faut refaire », « Je voulais résorber le bagne par l’école », tout ça, tout ça…

Décomposition française

Alors lire, en état de décomposition avancé et dans une « bonne copie » de seconde, cette phrase d’anthologie – « Je veux être Château Briand ou rien » – m’a convaincue de trois choses : être un « classique » vous expose, au sens suppliciant du terme ; Élisabeth Borne aurait pu s’épargner cette palinodie sur la question du brevet ; l’Éducation nationale est en passe de remporter la lutte contre les inégalités.
Dans l’ancien monde, avant que l’exception ne devînt la règle, on appelait ces bourdes des perles. Le professeur les relevait – non sans délectation – et en faisait une lecture goguenarde à la classe. Les auteurs en avaient le rouge au front. C’était le temps des maîtres harcelants. Aujourd’hui, ces fautes se retrouvent dans toutes les copies (hormis à Stan et à l’École Alsacienne, chez les petits Oudea, N’Diaye, Chatel, Ferry, Bayrou …), signe d’un effondrement lexical et syntaxique, d’une incapacité à élaborer un raisonnement, du néant culturel. Le pédagogisme sévit depuis longtemps ; Covic et TikTok ont fait le reste. L’égalité dans l’ignorance.

À lire aussi, Jean-Paul Brighelli: « Cramés », de Philippe Pujol: ceux que vous appelez racailles

Alors pourquoi avoir renoncé à rendre le brevet obligatoire pour accéder à la classe de seconde ? Cette mesure aurait-elle, comme le soutient Anne Genetet, ex-ministre, sur son compte X, « élevé le niveau d’exigence et celui de nos élèves » ? Aucun risque ! Le bruit que faisaient le SNES-FSU et ses satellites autour de cette « régression historique » (comprendre : des têtes qui pensent et qui dépassent) n’était qu’agit-prop. Mes élèves de filière générale, Hugolâtres et Rimbaulogues, sont tous titulaires de ce diplôme, le plus souvent avec mention. Et s’il y a des trous dans la raquette, il faut faire confiance aux professeurs. Ils truquent déjà les notes pour les épreuves finales, pourquoi pas le contrôle continu? Ça fonctionne pour le baccalauréat, ça devrait marcher pour le brevet. On convoque les professeurs en début d’année pour une réunion sur l’harmonisation. On projette les moyennes (générale et par discipline) de l’examen de l’année précédente : celles de l’établissement, de l’académie, puis les moyennes nationales. On voit où on se situe par rapport à la courbe : au-dessus, très bien ; au-dessous, pas bien. Le tour est joué.

Passation de pouvoirs entre Anne Genetet et Elisabeth Borne, ministère de l’Education nationale, Paris, 24 décembre 2024 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Aurions-nous, enfin, atteint le Graal, l’Égalité ? Presque ! Il reste quelques consciences à écrêter, à coup d’animations pédagogiques. Par exemple, l’exposition « Tous migrants » qui tourne dans les CDI d’Occitanie, financée par la MGEN et proposée par l’association Cartooning for peace1 – un « réseau international de dessinateurs de presse engagés qui combattent, avec humour, pour le respect des cultures et des libertés » -. L’élève, dessins à l’appui, peut y lire que le migrant « se retrouve devant l’énigme d’une nouvelle identité à façonner, expérience complexe et d’autant plus conflictuelle que le nouvel arrivant est parti à son corps défendant, arraché à son pays », que « les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts », qu’il s’agit « de s’intégrer, malgré les discriminations et les injustices, dans une société de mixité, seul horizon de partage et de développement ». Pour être sûr qu’il ait bien gobé l’info, on l’invite à « donner un préjugé illustré par l’un des dessins de ce panneau » et on lui souffle la bonne réponse : « Les idées reçues, l’ignorance conduisent certaines personnes, voire certains États à des réactions nationalistes ». Le tout, bien sûr, « avec humour » et dans « le respect des cultures et des libertés ». Il y a aussi « Dessine-moi l’écologie », « Dessine-moi la Méditerranée », « Dessine-moi l’égalité des genres »… À l’ISFEC2 où sont formés les professeurs-stagiaires de l’enseignement catholique de Toulouse, on a dépêché, le 23 janvier, une intervenante sur la question du genre et de l’égalité filles-garçons. Les enseignants ont été encouragés à porter des signes distinctifs associés aux mouvements LGBT, à afficher des drapeaux ou accessoires de même nature dans les classes, à favoriser un langage neutre et inclusif pour éviter de « genrer » les élèves.
« Je veux être Château Briand.e.s ou rien ». Quel étendard !


  1. https://www.cartooningforpeace.org/expositions/ ↩
  2. Institut Supérieur de Formation de l’Enseignement Catholique de Toulouse ↩

L’article Je veux être Château Briand, ou rien! est apparu en premier sur Causeur.