Des clés pour bien gérer un Ehpad
Lundi dernier, François Bayrou se félicite d’augmenter le budget des EPHAD de 300 millions d’euros supplémentaires. Car les EHPAD sont en crise : 66 % d’entre eux sont déficitaires.
![Des clés pour bien gérer un Ehpad](https://images.theconversation.com/files/645855/original/file-20250130-15-5syzxe.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=0%2C381%2C5159%2C2575&q=45&auto=format&w=1356&h=668&fit=crop)
![](https://images.theconversation.com/files/645855/original/file-20250130-15-5syzxe.jpg?ixlib=rb-4.1.0&rect=23%2C7%2C5166%2C3416&q=45&auto=format&w=496&fit=clip)
Lundi dernier, François Bayrou se félicite d’augmenter le budget des EPHAD de 300 millions d’euros supplémentaires. Car les EHPAD sont en crise : 66 % d’entre eux sont déficitaires. Alors quelles sont leurs stratégies pour s’adapter au monde contemporain ? Comment s’y prennent les décisions ? Par qui ? Pourquoi ?
Lundi 3 février 2025, le Premier ministre François Bayrou utilise une deuxième fois le 49.3 pour le budget de la sécurité sociale. Il promet « 6500 personnes soignantes en plus dans les EHPAD et 300 millions d'euros supplémentaires ».
En première ligne de la pandémie de Covid-19, conspués depuis la sortie du livre Les Fossoyeurs et le scandale Orpea (aujourd’hui Emeis) qui suivit, les Ehpad sont pointés du doigt pour leur mauvaise gestion. De nombreuses structures sont obligées de mettre la clé sous la porte. Entre 2020 et 2023, la part des Ehpad déficitaires est ainsi passée de 27 % à 66 %.
Le dernier rapport de la commission des affaires sociales du Sénat, publié en septembre 2024, encourage à repenser leur gouvernance. Pour alimenter notre réflexion, nous avons mené une étude dans un Ehpad situé à l’est de la France. L’objectif : comprendre comment la gouvernance peut influencer sa survie et son adaptation aux défis actuels.
7 300 Ehpad en France
En 2024, il y a environ 7 300 Ehpad en France : 44,71 % de structures publiques, 31,39 % de structures privées associatives et 23,89 % de structures privées commerciales. Ils accueillent 600 000 résidents et emploient 400 000 personnes. Une filière économique incontournable en France.
À lire aussi : Soin, économie, isolement… les personnels des Ehpad ne comprennent souvent plus leur rôle
Avec l’augmentation régulière de la part des plus de 75 ans dans la population et du nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, les Ehpad pourraient être amenés à accueillir 108 000 résidents supplémentaires d’ici 2030 et 319 000 d’ici 2050.
Se pose alors la question de leur gouvernance sur le long terme. Rappelons que ses spécificités tiennent à la pluralité des acteurs d’un Ehpad : l’État via le ministère de la santé, les agences régionales de santé (ARS), les autorités de tutelle, les dirigeants, les salariés, les usagers, les familles et les aidants. Cela suppose de gérer le caractère pluriel des légitimités pouvant être conflictuel. De facto, elles peuvent poser des problèmes spécifiques de coordination.
Quelle gouvernance privilégier ?
Pour étudier au plus près la gouvernance d’un Ehpad, nous nous sommes rendues dans un établissement privé à but non lucratif, situé dans l’est de la France. Créé en 1957 par l’évêché, cédé en 1983 à une association laïque, il est absorbé par une fondation en 2024. Un historique emblématique de la transformation de ces établissements depuis les années 1960.
La gouvernance désigne la manière dont une organisation est dirigée et contrôlée. Elle inclut les décisions prises par les dirigeants et les mécanismes en place pour encadrer ces décisions. Au départ, le modèle de la gouvernance disciplinaire mettait l’accent sur la maximisation des profits visant à satisfaire les actionnaires. D’autres, plus inclusifs, prennent en compte les intérêts élargis d’autres parties prenantes – clients/patients, salariés/soignants, aidants, collectivités. Une conception plus récente – la gouvernance cognitive – considère que les opportunités et décisions sont souvent une construction mentale.
Dans cette perspective, l’entreprise est considérée comme un « répertoire de connaissances ». Dans ce cas, les administrateurs – dirigeants du conseil d’administration – seront choisis pour leurs connaissances, leurs expertises et leurs compétences.
Conseil d’administration idéal
Dans un Ehpad, la gouvernance cognitive est synonyme de meilleure compréhension des résidents et de l’utilisation des compétences de chaque membre du personnel. Un modèle pour contrer le seul intérêt des actionnaires et décisionnaires.
Le conseil d’administration de cet Ehpad est composé de huit membres – cinq femmes et trois hommes. La plupart sont retraités. Ils occupaient des fonctions diverses : gestionnaire de patrimoine immobilier, infirmière, pharmacienne d’office, enseignantes, secrétaire de mairie, dirigeant d’un établissement postcure ou éducateur spécialisé. Fait intéressant, bon nombre d’entre eux ont travaillé pour l’intérêt général que ce soit en tant qu’adjoint au maire, secrétaire de mairie ou vice-présidente d’une communauté de communes.
Abonnez-vous dès aujourd’hui !
Que vous soyez dirigeants en quête de stratégies ou salariés qui s’interrogent sur les choix de leur hiérarchie, recevez notre newsletter thématique « Entreprise(s) » : les clés de la recherche pour la vie professionnelle et les conseils de nos experts.
Dans des entretiens menés auprès de ces derniers, nous avons remarqué qu’un conseil d’administration idéal est composé de personnes avec :
Des connaissances singulière au domaine médico-social. « Tous les administrateurs ont des affinités et une connaissance marquée du domaine médico-social, c’est pour cette raison qu’ils ont été cooptés. » ;
Un engagement fort et une capacité d’adaptation. « Je suis restée tout le weekend de Noël à travailler pour laisser ses collègues prendre leurs congés », rappelle un administrateur ;
Des compétences spécifiques, notamment la capacité à faire preuve d’empathie.
Fusion-acquisition d’Ehpad
Le conseil d’administration s’est engagé dans un projet de regroupement en l’adaptant aux exigences politiques.
« Nous étions une petite structure qui devait être plus grande pour survivre. Le conseil départemental nous le rappelait très souvent », témoigne un administrateur interviewé.
Le conseil d’administration a pris en charge ce projet de fusion et mené toutes les démarches pour trouver une solution correspondant à leurs valeurs. La directrice de l’établissement, bien que non membre du conseil d’administration « a conduit tout le processus de fusion tout en étant invité au conseil d’administration. Ce fut donc un fonctionnement en duo ».
Une première tentative de regroupement est initiée avec un établissement voisin. La gouvernance de ce dernier, trop verticale, imposait une lourdeur administrative et un manque de réactivité. Même s’il permettait d’avoir du personnel qualifié supplémentaire, le conseil d’administration a décidé de ne pas poursuivre ce partenariat.
Des administrateurs attachés à l’Ehpad
À l’issue de ces premiers éléments d’analyse, nous avons constaté le rôle et l’impact d’une gouvernance cognitive dans la gestion d’un Ehpad de petite taille.
La question des compétences est très présente dans le conseil d’administration de l’Ehpad étudié. Une grande place est donnée aux interactions. Son conseil d’administration était très proactif et actif. Pourquoi ? Les administrateurs sont très attachés au devenir de l’Ehpad et aux valeurs de la structure. Pour le président du conseil d’administration,
« les principaux éléments sont l’écoute, la solidarité, le bon sens, la confiance, la transparence, l’amitié et le respect afin de fidéliser les salariés ».
Les interactions au sein du conseil d’administration ont permis une coordination permanente au sein du système de gouvernance. Les échanges ont toujours été nombreux. « Il n’y a jamais eu de véritable situation de blocage. » L’intérêt de l’Ehpad a toujours été privilégié. En outre, rappelons que la directrice de l’établissement est invitée systématiquement au conseil d’administration, alors qu’elle n’en est pas membre.
Cette analyse nous conduit à investir un nouveau champ : celui du rôle des aidants et des soignants dans la gouvernance des Ehpad. Quelle place leur donner ?
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.